Fraternité, sororité et relation de couple
Thérapeute psycho-corporelle et formatrice à l’Ecole de Psychologie Biodynamique, Sylvie Richard nous parle de l’importance de la «sororité», qui exprime le lien de soeur dans le développement et l’équilibre de toutes femmes dans tous les domaines de la vie.
Il est un fait récurrent que j’observe fréquemment auprès de ma clientèle que j’appellerais « la solitude des femmes ».
C’est comme si les femmes ne savaient plus que d’autres femmes pouvaient être là pour elles, comme si la solidarité, la complicité, le soutien étaient des valeurs perdues, à tel point que le mot sororité, qui exprime cela, a pratiquement disparu ou ne s’est jamais vraiment installé dans notre vocabulaire*.
Quand j’invite une femme à regarder autour d’elle vers quelle femme elle pourrait se tourner pour avoir du soutien, chez qui elle pourrait aller pour se poser, être réconfortée, avoir de l’aide, voire se réfugier un moment, j’entends souvent qu’il n’y a personne, et puis «qu’elle ne veut pas déranger», pourtant la même sera toujours prête à répondre à une demande d’amie, de voisine, de parente…
Je l’observe particulièrement autour de la naissance d’un enfant, dans ce moment où une jeune accouchée devrait être entourée, soutenue, relayée, conseillée. S’il n’y a pas de réseau féminin, elle aura tendance, pour compenser ce manque de «tissu solidaire», à investir son compagnon d’un rôle qui ne lui est pas naturel, tout simplement parce que les rôles ne sont pas interchangeables et qu’un homme, s’il peut l’entendre, ne peut ressentir ce dont une femme a besoin. D’autres femmes par contre, parce que c’est «leur monde» répondront naturellement et efficacement au besoin de la jeune mère. Le père, investi d’un rôle qui n’est pas le sien, peut se trouver désemparé et confus quant à la place et au rôle qui est naturellement le sien alors même qu’il est très présent et engagé dans l’évènement.
Si cette réalité est probante dans cette situation, elle peut sans doute être élargie à la vie en général. Quand une personne demande à son partenaire de répondre à ses besoins, ce n’est pas seulement qu’elle cherche à réparer les manquements parentaux mais certainement aussi que son réseau n’est pas suffisamment nourri, voire inexistant.
Les hommes ont besoin des hommes pour se ressourcer, se reconnaître «homme», se réaliser, s’affirmer dans leur genre et éprouver leurs valeurs masculines.
Les femmes ont besoin des femmes pour se ressourcer, s’aider, se soutenir, se relayer, se reconnaître «femme», se réaliser et s’affirmer dans leur genre et dans leur manière d’être au monde.
Le concept de fraternité mériterait de trouver sa polarité : la sororité. La fraternité et la sororité sont une même valeur qui s’expérimente et s’exprime différemment selon les genres.
Il n’est pas inutile de nous rappeler que les hommes et les femmes n’appréhendent pas la vie de la même manière, nous n’avons pas la même façon de ressentir les choses, l’autre, le monde, et nous même. Se rappeler cette évidence évite bien des malentendus car si l’autre peut m’entendre et m’écouter, il ne pourra jamais ressentir à ma manière. C’est la raison pour laquelle cet espace fraternel ou sororiel où chacun va puiser ressourcement, soutien, échange et reconnaissance est important. Avec ceux de son genre il(elle) va renforcer son identité en se reconnaissant en tant qu’homme, en tant que femme comme étant semblable, dans une même manière d’être au monde.
Il me semble que, lorsque cet espace existe suffisamment pour l’un et l’autre, la relation du couple est plus saine et plus fluide car alors le partenaire n’est pas investi d’une demande qu’il ne peut honorer. Nourrir cet espace permet au couple d’éviter le risque d’un rapport trop fusionnel.
Ayant trouvé chez ses pairs, ses «semblables» ce dont il a besoin, chacun revient vers la relation nourri et «défini» et peut alors se jouer cette extraordinaire aventure qui est de rencontrer et de reconnaître cet Autre, celui-ci ou celle-la, si différent mais aussi si complémentaire.
Après s’être reconnu et affirmé dans le jeu de la ressemblance avec ses pairs, chacun peut se reconnaitre et s’affirmer dans celui de la différence dans le couple, goûter cette richesse et se réaliser pleinement.
* disparu du dictionnaire.